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La Côte-Nord est un bassin industriel connu pour ses entreprises minières. L’un des maillons de cette chaîne industrielle est le convoyeur, qui nécessite un entretien et une maintenance dédiée. Cette maintenance étant coûteuse et pour l’instant essentiellement manuelle, un consortium d’entreprises a mandaté l’ITMI pour automatiser ce processus. Cette inspection automatisée des convoyeurs est passée d’un petit projet à un projet impliquant toutes les équipes et les compétences de l’ITMI.

Pour détailler un peu les enjeux de ce projet, un chiffre marquant peut aider à les comprendre. Une interruption prolongée, à la suite de la panne d’une gearbox peut entraîner plus d’un million de dollars de perte. De ce postulat est donc émergée l’idée de ce projet, que le Ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie soutient désormais.

L’appui du ministère prend tout son sens quand on observe des retards dans la région sur les standards de qualité. Certaines contraintes normatives (CSA Z432-04 par exemple) sont d’autres indicateurs d’une nécessité d’automatisation et d’amélioration des processus existants. C’est donc un problème concret qui est posé, dont la solution doit sortir d’un laboratoire de recherche en partenariat avec les acteurs locaux.

Spot, le robot d’inspection

C’est la star du laboratoire depuis son arrivée. Spot, le robot chien de Boston Dynamics est un composant essentiel de la stratégie d’inspection automatisée des convoyeurs. En effet, il y a deux sections principales sur les capteurs possibles, la première étant les capteurs mobiles. Spot est ainsi équipé de différents capteurs, dont une caméra thermique, un microphone ou encore un capteur à ultrasons.

Figure 1 : Affichage thermique via la caméra IR de Spot

Thermique NCB Convoyeur

Affichage thermique via la caméra IR de Spot

Ces trois capteurs sont de cette façon capables d’anticiper une panne. Cela reste de la prévention, et non de la prédiction. Pour autant, le but est de mesurer juste avant une panne grâce à la capture thermique. En amont, il est possible d’utiliser le microphone pour anticiper une panne proche. L’ultrason, quant à lui, est très antérieur à la panne, jusqu’à plusieurs mois en avance, selon la plage de fréquence captée.

Spot ITMI cégep

Les deux Spot du Cégep et de l’ITMI en sortie soleil du labo !

Spot est à considérer comme un capteur sur pattes. Il est adapté aux milieux industriels, dont ceux de la Côte-Nord. Avec le port de Sept-Îles, Spot est déjà envoyé en mission d’entraînement pour les recherches de l’ITMI. Il monte ainsi les escaliers des infrastructures et se déplace le long des convoyeurs pour de la prise de données. Cela permet aux équipes de recherche d’ajuster les algorithmes de traitement et de comprendre au mieux des enjeux de ce milieu industriel.

Spot Port Sept Iles

Spot en mission au port de Sept-Îles

Néanmoins, comme chaque technologie, tout n’est pas parfait. Dans le cas de Spot, il reste partiellement inadapté à certaines situations. D’abord, il est incapable d’accéder à certaines zones plus encombrées. De plus, la problématique des convoyeurs est leur longueur. Ceux-ci s’étendent sur des kilomètres. L’autonomie de Spot est limitée et il n’est pas optimisé pour de telles distances. Enfin, Spot permet une mesure à un instant T, et non une mesure continue, c’est pour cela que l’ITMI développe également la boîte orange.

La boîte orange, le module de collecte ouvert

Cette boîte orange (nom de code en interne) est une boîte d’acquisition de données faite maison par l’ITMI, en collaboration avec Katak. La collaboration avec cette entreprise permet à l’ITMI de profiter d’une expertise sur les composants et d’une plus grande portée pour commercialiser le produit plus tard. La commercialisation se fera sous le nom Nexteqc.

Boîte orange 3D

Visualisation 3D de la carte de la boîte orange

En l’état, plusieurs itérations de cette carte imprimée ont été réalisées. Celles-ci ont toujours été conçues dans une volonté de modularité et d’ouverture sur des systèmes existants et futurs. Ainsi, pour couvrir rapidement les spécifications, la carte permet d’obtenir un flux analogique et de capturer des signaux industriels via un bus RTU.

Kicad Boîte Orange

Visualisation 3D de la carte de la boîte orange

 

Les capteurs ajoutés sur la carte actuellement sont des capteurs de température et d’humidité pour les conditions d’environnement. Il est aussi équipé de capteurs de vibration, cruciaux pour détecter un problème en cours ou à venir, complétés par des capteurs de particules PM2.5 et PM10. Enfin, sur la prochaine itération de la carte, il est prévu d’ajouter un microphone et un capteur ultrason, comme sur Spot. Cela ajoutera de la donnée pour la prédiction et l’anticipation des pannes des rouleaux de convoyeurs.  Dans l’ensemble, le but est d’avoir une carte flexible à la base, sur lequel peut s’ajouter n’importe quel capteur de données, via les ports d’entrée de la carte.

Boîte orange port sept iles

La boîte orange installée au port de Sept-Îles

Actuellement alimentée et connectée via Ethernet (PoE), la carte sera bientôt équipée d’un module LTE (réseau cellulaire) et d’une batterie ou d’une alimentation via secteur. Cela permettra un déploiement à plus d’endroits et une meilleure adaptation à chaque environnement. Ce module est également capable de fournir les coordonnées GPS, ce qui aidera à localiser les boîtes déployées pour l’affichage sur le tableau de bord qui est la plateforme de visualisation développée par l’ITMI.

Une plateforme de visualisation pour centraliser les données

La plateforme de visualisation est développée par l’équipe de développement technologique de l’ITMI, établie sur le framework Nomad. Cette plateforme est un tableau de bord pour les données issues des boîtes orange déployées et d’autres futurs capteurs. Les données de température, d’humidité, de vibration et de particules sont ainsi affichées sur une interface dédiée. On peut consulter des jauges avec les seuils critiques minimum et maximum, associés à chaque capture en continu. De plus, pour une visualisation sur une période plus longue, des graphiques synchronisés sont aussi disponibles.

Plateforme de visualisation

Plateforme de visualisation pour la boîte orange

Cette visualisation des données capturées est aussi complétée avec de premiers algorithmes de prédiction. Pour l’instant, ces algorithmes portent sur la prédiction des valeurs des données capturées. Il n’est pas encore question de corréler ça à des pannes, cela nécessite des données sur une période bien plus grande et est un projet au long cours.

Rapport PDF plateforme convoyeur

Un rapport PDF fourni après des tests au labo

Pour les données issues des capteurs de Spot, le principe du robot est d’exécuter des missions préenregistrées. Celles-ci contiennent plusieurs actions, comme une capture thermique, une acquisition de son … Ces missions se rapprochent le plus du comportement humain que l’on cherche à automatiser. En ce sens, le meilleur format de visualisation de ces données a été de créer des rapports PDF. Ceux-ci sont affichables rapidement sur l’interface, puis peuvent être téléchargés pour une utilisation externe.

Perspectives et prochaines étapes

Le projet est dans une première phase, où l’objectif est de réaliser des Preuves de Concepts. Ces projets embryonnaires permettent de valider rapidement le choix d’une technologie, son fonctionnement et son application concrète. Une fois cela fait, les itérations avancent, comme on a pu le voir avec la boîte orange, la plateforme de visualisation ou Spot. D’autres preuves de concept sont en cours de développement pour améliorer les créations existantes de même que pour se préparer à de futures étapes.

Parmi ces étapes à venir, il est prévu de déployer une fibre optique le long des convoyeurs, afin d’en détecter des défaillances. Ce projet répondrait à la problématique de la longueur. Certes, les boîtes orange évitent à Spot de parcourir de grandes longueurs, mais la couverture intégrale coûterait énormément en carte d’acquisition. La fibre optique semble être le meilleur moyen, c’est la piste creusée par les équipes pour l’instant.

Fibre

Cette fibre aiderait à localiser les rouleaux de convoyeurs potentiellement défaillants selon les vibrations mesurées et d’y déployer Spot pour une capture thermique, sonore et d’ultrason. De plus, cela achèverait la complémentarité entre les différentes briques du projet. Spot est le capteur mobile, tandis que la boîte orange est un capteur spécialisé fixe, et la fibre serait le capteur de données longue distance. Agissant les uns avec et à côté des autres, ils seraient la source des données principales du projet.

Ensuite, l’enjeu principal des prochaines années sera l’acquisition de données pour enrichir des modèles de prédiction. Ces données doivent être récupérées et stockées sur une période prolongée (en années). Ainsi, il sera possible de prédire un comportement selon les saisons, selon les conditions météorologiques et toutes autres données pertinentes permettant une corrélation. Cela permettra d’arriver dans la phase finale du projet, qui est de l’aide à la décision pour la maintenance des convoyeurs.